[RP] Pas de Gauvoie, printemps 1459 [2011] : chapitres ou règles du pasCombat de Gauvain et d'un chevalier,
BNF Richelieu Manuscrits Français 114, Fol. 260,
Lancelot du Lac, France, Ahun, XVe siècle,
Évrard d'Espinques et collaborateurs Chapitre I - Du pas d'armesQu'un pas d'armes est un
combat courtois qui est l'occasion pour les nobles participants de jouer, dans une fiction inspirée de la littérature arthurienne, le rôle de
défenseur d'un passage (c'est le sens du mot « pas », comme dans Pas de la Case, le « pas d'armes » étant un « passage où l'on pratique les armes »),
contre tous ceux qui, comme dans les romans de chevalerie,
désirent relever le défi.
Que
les participants - ceux qui jouent le rôle de défenseur d'un passage -
attendent ensuite, en un lieu choisi - ici, le carrefour menant de Vinassan vers Saint-Félix converti en champ clos - et
pendant un temps donné qui pouvait durer plusieurs semaines,
tous les chevaliers désireux de les affronter.
Le Pas de la Fontaine des Pleurs de 1449, qui se déroula en pleine campagne, près de Châlon-sur-Saône, en un lieu toujours décoré selon le thème choisi,
dura jusqu'à... 1 an !Chapitre II - De l'entrepreneur du pas & du gardien du pasQue
Lop-Guilhem, seigneur de Marmorières, comme
entrepreneur du pas, il veillera à faire publier le défi qui suit.
Que le
héraut de pas, - dont nous attendons la nomination - veillera à annoncer l'entrée en lice des participants, au respect des chapitres qui suivent et pourra faire cesser un affrontement si une issue fatale pour l'un des concurrents était à redouter.
Chapitre III - Du Passage de GauvoieQue ce Pas met en scène le
Passage de Gauvoie, dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes :
- Chrétien de Troyes, dans Perceval ou le Conte du Graal, a écrit:
- [Le chevalier tenant le Passage dénommé Gauvoie dit à la jeune fille sans pitié :]
« Mon amie, voyez ce chevalier [vous, participant, incarnant Gauvain] qui vient armé à notre rencontre. Dites-moi, le connaissez-vous ?
- Non, lui dit la jeune fille, mais je sais bien que c'est lui qui hier m'amena par ici. »
Et il lui répond :
« Dieu me protège, c'est lui et personne d'autre que je cherchais. J'ai eu peur qu'il ne m'eût échappé, car il n'y a jamais eu en ce monde de chevalier ayant franchi les Passages de Gauvoie, si tant est que je le voie et que je le trouve devant moi, qui puisse ailleurs se vanter d'être revenu de ce pays. Lui aussi sera retenu prisonnier, dès lors que Dieu me laisse le voir. »
Sans un mot de défi ni de menace, le chevalier s'élance aussitôt, piquant des deux, l'écu au bras. Monseigneur Gauvain se dirige vers lui et lui porte un tel coup qu'il le blesse grièvement au bras et au côté, mais la blessure n'est pas mortelle, car le haubert a si bien résisté que le fer n'a pu le traverser, sauf au flanc où il lui a enfoncé la pointe du sommet de sa lance. Il le renverse à terre. L'autre se relève et voit son sang, qui le fait souffir, jaillissant de son bras et de son côté, couler sur son haubert blanc. Il court pourtant sur lui l'épée à la main, mais il s'est épuisé en peu de temps, sans plus pouvoir se soutenir, il lui faut demander grâce. Monseigneur Gauvain reçoit sa parole, puis le remet au passeur, qui l'attendait. Cependant, la jeune fille mauvaise était descendue de son palefroi. Il est venu à elle et il la salua en lui disant :
« Remontez, ma belle amie, je ne vous laisserai pas ici, mais je vous amènerai avec moi de l'autre côté de cette eau où je dois passer.
- Hé là ! chevalier, fait-elle, vous vous faites bien hardi et orgueilleux ! Mais vous auriez eu fort à faire, si mon ami n'était brisé par d'anciennes blessures qu'il a reçues. Vos plaisanteries seraient vite tombées, vous n'auriez pas fait tant de boniments, mais vous seriez plus muet que si vous étiez échec et mat ! Mais avouez la vérité. Croyez-vous valoir mieux que lui, parce que vous l'avez abattu ? Il arrive souvent que le faible triomphe du fort ! »
[Et la mauvaise fille de lancer un défi à Gauvain, mais cela est une autre histoire].
Chrétien de Troyes, Perceval ou le Conte du Graal, "Classiques médiévaux - Le Livre de Poche", Librairie Générale Française, Paris, 2003 (3e édition), p. 228-229
Chapitre IV - Des combats singuliersQue ce pas d'armes consistera en une
série d'affrontements singuliers équestres voire pédestres de plaisance, avec des armes de guerre réelles non épointées, la vie des champions devant néanmoins être préservée.
Que chacun des champions devra
affronter en combat singulier le gardien de pas, afin d'éprouver sa vaillance. La date de chacun des combats devra être fixée avec lui, dans la limite de quatre mois impartis au pas d'armes, et nous être communiquée à nous, l'entrepreneur & héraut du pas.
Que chacun des champions devra porter au gardien du pas
un coup de lance - jusqu'à briser une lance ou désarçonner l'adversaire -
en trois course de lance avant que le gardien du pas n'en ait fait de même.Qu'ensuite, si,
- aucun des protagonistes n'a pas brisé sa lance ;
- les deux protagonistes ont brisé leur lance sans chuter ;
- les deux protagonistes ont brisé leur lance et chuté ;
alors
chacun des champions devra, à cheval, ou à pied s'ils ont chuté,
porter des coups d'épée à volonté, autrement dit jusqu'à la chute, l'abandon ou la perte de l'arme du gardien de pas
avant que ce dernier n'en ait fait de même.
Que chacun des champions sera revêtu d'un
harnois blanc et coiffé d'un
bassinet, armé d'un
écu de bois, d'une
lance munie d'un rochet et d'une
épée d'armes à deux mains.
Chapitre V - Des modalités de défaite et de victoireQue
la défaite s'acquère, si un gardien de pas ou un champion :
- est désarçonné, sans que les deux le soient simultanément ;
- chute à pied, sans que les deux le soient simultanément ;
- qui blessé, abandonne en demandant merci - que le protagoniste devra lui accorder ;
- perd son arme d'escrime, sans que les deux le perdent simultanément ;
- cumule de moins de points.
Que
la victoire s'acquère, si un gardien de pas ou un champion :
- brise sa lance, et si les deux le firent simultanément, celui qui aura de plus désarçonné l'autre ;
- désarçonne son adversaire, sans que ce dernier n'en fasse autant ;
- fait chuter son adversaire à pied, sans que ce dernier n'en fasse autant ;
- désarme son adversaire de son arme d'escrime, sans que ce dernier n'en fasse autant ;
- contraint son adversaire à la merci - qu'il devra lui accorder ;
- cumule le plus de points.
Qu'
un gardien de pas ne cède sa place que s'il est vaincu par un des champions qui l'aura affronté.
Qu'
un champion qui aura vaincu un gardien de pas sera tenu de prendre sa place contre tous les champions restant devant entrer en lice.
Que celui d'entre les champions qui aura remporté le plus de victoires, ou à défaut, le plus de points, sera déclaré vainqueur de ce pas d'armes et recevra un trophée._________________
Sources :
- GAIER Claude, « Technique des combats singuliers d'après les auteurs "bourguignons" du XVe siècle »,
Le Moyen Age, t. XCI, fasc. 3-4, 1985, p. 418-457 ;
- GAIER Claude, « Technique des combats singuliers d'après les auteurs "bourguignons" du XVe siècle »,
Le Moyen Age, t. XCII, fasc. 1, 1986, p. 5-28 ;
- SCHNERB Bernard, « Pas d'armes », dans GAUCHARD Claude et
alii (ss dir.),
Dictionnaire du Moyen Age, PUF, Paris, 2002, p. 1051 b. ;
- VAN DER NESTE Evelyne (préface de PASTOUREAU Michel),
Tournois, joutes et pas d'armes dans les villes de Flandres à la fin du Moyen Age (1300-1486), "Mémoires et documents de l'Ecole des Chartes" (Thèse d'histoire de l'Ecole des Chartes, 1994), Ecole des Chartes, Paris, 1996, 1 vol., XI-411 p.