[RP] Pas d'armes du Gué de la Reine, automne 1458 [2010] : chapitres ou règles du pasCombat de Lancelot et d'un chevalier,
BNF Arsenal 3479, Fol. 451,
Lancelot du Lac, France, Paris, XVe siècle,
Évrard d'Espinques et collaborateurs Chapitre I - Du pas d'armesQu'un pas d'armes est un
combat courtois qui est l'occasion pour les nobles participants de jouer, dans une fiction inspirée de la littérature arthurienne, le rôle de
défenseur d'un passage (c'est le sens du mot « pas », comme dans Pas de la Case, le « pas d'armes » étant un « passage où l'on pratique les armes »),
contre tous ceux qui, comme dans les romans de chevalerie,
désirent relever le défi.
Que
les participants - ceux qui jouent le rôle de défenseur d'un passage -
attendent ensuite, en un lieu choisi - ici, une fontaine du domaine de Saint-Félix converti en champ clos - et
pendant un temps donné qui pouvait durer plusieurs semaines,
tous les chevaliers désireux de les affronter.
Le Pas de la Fontaine des Pleurs de 1449, qui se déroula en pleine campagne, près de Châlon-sur-Saône, en un lieu toujours décoré selon le thème choisi,
dura jusqu'à... 1 an !Chapitre II - De l'entrepreneur du pas & du héraut du pasQue
Cristòl, baron de Saint-Félix, est l'
entrepreneur du pas & le héraut de pas . Il veillera à faire publier le défi qui suit ainsi qu'à à annoncer l'entrée en lice des participants, au respect des chapitres qui suivent et pourra faire cesser un affrontement si une issue fatale pour l'un des concurrents était à redouter.
Chapitre III - Du Pas du Gué de la ReineQue ce Pas met en scène le
Pas du Gué de la Reine, dans le Lancelot du Lac, de Chrétien de Troyes :
- L'auteur du Lancelot du Lac a écrit:
- [Lancelot, fait récemment chevalier, part à l'aventure.]
Il se dirige vers une rivière et, quand il y arrive, il met pied à terre et boit. Après qu'il a bu, il s'assied au bord de la rivière et entre dans une profonde rêverie. Aussitôt surgit sur l'autre rive un chevalier tout armé, qui pousse son cheval dans le gué avec violence. Notre chevalier qui rêvait est éclaboussé et tout trempé. Il sort de sa rêverie et dit :
« Seigneur chevalier, vous m'avez mouillé [et] vous m'avez ôté de mes pensées.
- Je me soucie fort peu de vous et de vos pensées. »
Alors le chevalier nouveau remonte en selle. [...] Il entre dans le gué qu'il veut franchir. Le chevalier lui dit :
« Gare à vous, seigneur chevaler ! Madame la Reine [Guenièvre] m'a donné l'ordre de garder ce gué et d'en interdire le passage. »
[...] il s'éloigne, prend son écu par les énarmes, met la lance sous l'aisselle et charge le chevalier nouveau. Celui-ci se couvre de son écu et fait face. Le chevalier qui devait garder le gué s'y est pris de telle sorte que sa lance vole en éclats. Le chevalier nouveau le frappe et l'abat. [...] L'autre est très en colère d'avoir été jeté à terre et de ne pas savoir par qui. Il se remet en selle et dit :
« Chevalier, dites-moi qui vous êtes.
- Je ne vous le dirai pas », répond le chevalier nouveau [...].
Alors ils s'attaquent très vigoureusement à l'épée, sans descendre de leurs chevaux. Le chevalier était d'une grande prouesse. Il s'appelait Alybon, le fils du vavasseur du Gué de la Reine. [...] la mêlée a tant duré qu'ils se sont fait beaucoup de mal ; mais à la fin Alybon ne peut plus tenir. Quand il voit que c'est sans recours, il déclare qu'il ne se battra plus.
Lancelot du Lac I, "Classiques médiévaux - Le Livre de Poche", Librairie Générale Française, Paris, 1991, p. 493-501.
Chapitre IV - Du gardien du pasQue
Lop_Guihem, seigneur de Marmorières, est
le gardien du Pas du Gué de la Reine. Il devra affronter successivement chacun des champions qui aura relevé le défit.
Chapitre V - Des combats singuliersQue ce pas d'armes consistera en une
série d'affrontements singuliers équestres puis pédestres de plaisance, avec des armes de guerre réelles non épointées, la vie des champions devant néanmoins être préservée.
Que chacun des champions devra
affronter en combat singulier nouvellement adoubé,
Lop-Guilhem, afin d'éprouver sa vaillance. La date de chacun des combats devra être fixée avec lui dans la limite des septs jours impartis au pas d'armes et être communiquée à l'entrepreneur du pas.
Que chacun des champions devra lui porter
un coup de lance - lance brisée -
en trois course, puis le plus d'atteintes possibles - coups ayant atteint l'adversaire -
en cinq passes d'armes - échanges de coups -
avec l'épée d'armes, avant qu'il n'en ait fait de même.
Que chacun des champions sera revêtu d'un
harnois blanc et coiffé d'un
bassinet, armé d'un
écu de bois, d'une
lance munie d'un rochet et d'une
épée d'armes à deux mains.
Chapitre VI - Des modalités de défaite et de victoireQue chacun des protagonistes, y compris Lop-Guilhem, sera déclaré
vaincu, s'il abandonne, chute, ou perd son arme.Que celui qui rendrait Lop-Guilhem dans l'incapacité de poursuivre son "emprise" - par blessure multiples - sera tenu de prendre sa place contre tous les champions restant devant entrer en lice.
Que celui d'entre les champions qui lui aura porté le plus d'atteintes - coup de lance et d'épée compris - en moins de coups sera déclaré vainqueur de ce pas d'armes et recevra un trophée._________________
Sources :
- GAIER Claude, « Technique des combats singuliers d'après les auteurs "bourguignons" du XVe siècle »,
Le Moyen Age, t. XCI, fasc. 3-4, 1985, p. 418-457 ;
- GAIER Claude, « Technique des combats singuliers d'après les auteurs "bourguignons" du XVe siècle »,
Le Moyen Age, t. XCII, fasc. 1, 1986, p. 5-28 ;
- SCHNERB Bernard, « Pas d'armes », dans GAUCHARD Claude et
alii (ss dir.),
Dictionnaire du Moyen Age, PUF, Paris, 2002, p. 1051 b. ;
- VAN DER NESTE Evelyne (préface de PASTOUREAU Michel), Tournois, joutes et pas d'armes dans les villes de Flandres à la fin du Moyen Age (1300-1486), "Mémoires et documents de l'Ecole des Chartes" (Thèse d'histoire de l'Ecole des Chartes, 1994), Ecole des Chartes, Paris, 1996, 1 vol., XI-411 p.